
Alors qu’a débuté lundi à Paris le procès de l’assassinat du père Jacques Hamel, survenu en 2016, les trois accusés qui ont été entendus par la cour minimisent leur implication dans ce meurtre. La famille et les victimes essaient eux de « comprendre » ce qui a mené à cet attentat.
Jacques Hamel, prêtre âgé de 85 ans, avait été tué à coups de couteau le 26 juillet 2016, devant l’autel de son église de Saint-Etienne-du-Rouvray, par deux jeunes islamistes, Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean.
Les deux assaillants, âgés de 19 ans, ont été tués par la police à leur sortie de l’église. L’instigateur présumé, le propagandiste de l’organisation Etat islamique Rachid Kassim, est probablement mort en Irak et jugé en son absence.
Mais trois hommes comparaissent depuis lundi devant la cour d’assises spéciale de Paris. Il s’agit de Farid Khelil, Yassine Sebaihia et Jean-Philippe Jean Louis.
Farid Khelil, 36 ans et Yassine Sebaihia, 27 ans, se sont exprimés lundi.
Un costume « trop grand »
Le premier a assuré avoir « beaucoup de mal » avec les faits qui lui sont reprochés, qu’il « conteste ». « Ce costume, il est trop grand pour moi », affirme-t-il.
Interrogé sur son parcours, il a évoqué ses « nombreuses petites amies », sa consommation de cannabis ou ses voyages aux Pays-Bas et en Allemagne « pour les maisons closes ».
S’il s’est un temps rendu à la mosquée pour renouer avec son père, puis a fréquenté son cousin Abdel-Malik Petitjean, qui l’a initié à la prière et lui a montré des vidéos de propagande pour le « sensibiliser » au sort des Syriens, il affirme n’avoir « jamais eu » d’engagement religieux et n’avoir « jamais pratiqué ».
Le second a raconté comment il s’est tourné vers la religion en 2016.
En échec dans ses études de BTS électrotechnique, sans emploi, en froid avec sa petite amie, Yassine Sebaihia rapporte avoir eu le sentiment qu’on lui avait « jeté un sort » et avoir recherché des informations sur le sujet via « des vidéos sur internet ». Le jeune homme se dit peut-être « naïf » mais assure n’avoir « jamais eu d’amis qui ont commis des délits ».
Il est poursuivi pour avoir brièvement rejoint les deux terroristes à Saint-Etienne-du-Rouvray le 24 juillet, avant de rentrer à Toulouse. Il nie avoir été au courant de leur projet.
Un accusé « imbibé » de réseaux sociaux
Jean-Philippe Jean Louis a lui été entendu hier par la cours.
Il est notamment accusé d’avoir administré une chaîne de propagande jihadiste sur la messagerie cryptée Telegram. L’accusation lui reproche également d’avoir créé des cagnottes en ligne pour soutenir des candidats au départ en Syrie et d’avoir lui-même tenté de rejoindre ce pays quelques semaines avant l’attentat, en compagnie d’Abdel-Malik Petitjean.
Il a répété mardi qu’il contestait ces faits.
Placé en foyer à ses 12 ans, l’accusé décrit une ambiance de « violence constante », qui l’a poussé à s’isoler dans sa chambre « le plus possible », pour se protéger.
Son isolement ayant coïncidé avec sa conversion à l’islam en 2014, ses éducateurs se sont alors inquiétés d' »un repli radical » dans la religion, d' »une fuite d’un extérieur vécu comme hostile et d’une forme de dépression ». Revenu chez sa mère en 2015, il ne quitte presque plus sa chambre et se réfugie sur internet.
« Comme j’avais rien d’autre autour, je pense que je me suis rattaché à ça », explique le jeune homme de 25 ans avant d’acquiescer lorsque le président lui demande s’il était « imbibé » via les réseaux sociaux. Il fréquente alors des groupes qui prônent l’islam radical et entre en contact sur Facebook avec une jeune fille qui rejoindra peu après la Syrie.
Tous trois sont en détention provisoire depuis cinq ans et encourent trente ans de réclusion criminelle.
Un procès pour « comprendre »
Avant le début de l’audience, les parties civiles ont exprimé le vœu de « comprendre » ce qui a mené à cet attentat.
Le paroissien gravement blessé lors de l’attentat, Guy Coponet déclare souhaiter « que justice soit faite ». Il « veut comprendre (...) comment des jeunes tout juste sortis de l’adolescence en sont arrivés à commettre de telles horreurs », a expliqué à l’AFP son avocat, Me Méhana Mouhou.
La sœur du père Hamel, Roseline Hamel, s’est confiée à InfoChrétienne la veille du début du procès, elle a déclaré qu’elle espère faire son deuil à l’issue de cette nouvelle étape douloureuse.
Elle souhaite également témoigner de la vie de son frère et mettre en lumière la responsabilité de l’état dans ce drame qui aurait pu être évité. « Il y avait toutes les raisons pour les surveiller de près », rappelle-t-elle, à propos des assaillants de son frère.
En ce qui concerne les trois hommes qui siègent dans le box des accusés, elle affirme ne pas avoir de haine. Une déclaration en accord avec le message que Roseline Hamel porte depuis près de six ans, un message d’amour et de paix, malgré sa douleur, qui force l’admiration.
Camille Westphal Perrier (avec AFP)